Cette résidence-création s’articule autour d’un fil conducteur : une expérimentation de la réconciliation. En référence à l’ouvrage de Bruno Latour, le projet « Guerre et Paix du Vivant... » expose une partie de la ramification de mon travail. J’interroge la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme à partir des relations que les humains nouent avec le vivant non-humain. Il s'agit alors d’un plaidoyer rhizomatique, une invitation à vivre cette métamorphose et à faire preuve de curiosité.
[:en][:]Dans un premier temps, j’ai observé et dessiné ce que je voyais au centre d’art : de la petite araignée de la cave au choucas qui nichait sous le toit. Les dessins composent en partie l’affiche de cette exposition. Il s’agissait pour moi de comprendre mon environnement de résidence, d’en capter la dynamique et la temporalité journalière et saisonnière.
[:en][:]Dessin du mycélium de champignon
[:en][:]Dans un second temps, je me suis intéressée aux couleurs de la cuisine. Comment peindre avec ce que l’on trouve autour de nous ? Quel liant ? Quel séchage ?
Détourner les ingrédients et les restes de La cuisine pour en faire de la couleur devient presque un jeu. Légumes, fruits, épices mais aussi champignons deviennent des sources de pigments. Tel est le cas de ce magnifique Chrysonilia sitophila sur marc de café. Responsable d'asthme chez certain, sa manipulation reste compliquée mais ce orange est si magnifique… Je peins alors chaque ingrédients avec sa couleur dérivée. Les peintures sont exposées sur les fenêtres du centre d’art.
[:en][:]Couleur jaune du Chrysonilia récupéré sur le marc de café dans la cuisine de la Cuisine.
[:en][:]L'architecture d'un lieu peut parfois influencer nos pensées, nos sentiments, nos comportements... Je pense en avoir fait largement l'expérience durant cette résidence où le noir Soulages a phagocyté mon attention.
Le château de Negrepelisse a été conçu comme un laboratoire, réhabilité par RCR_Arquitectes, le Corten est partout. Rouille et métal noir s'imposent comme enveloppant et protecteur. Un noir symbolisant le travail des Hommes. Nègrapelissa en langue romane, tire son nom du travail des charbonniers du Quercy, dont la pelisse était noircie de bois brûlé.
Rien d'étonnant alors à rechercher comment faire une peinture noire avec ce que je trouvai autour de moi...
Ici, le pigment noir provient de charbons actifs glanés autour du rocket stove de La Cuisine. Une fois broyés finement, je compose une encre épaisse en reprenant les protocoles classiques d’encre de chine. La matière devient captivante, très mate, humble mais tellement efficace.
[:en][:]Charbon du rocket stove de la cour de la Cuisine. Le charbon est broyé puis réduit en poudre fine afin de préparer une peinture noire mate.
[:en][:]D’autres couleurs ont fait leur apparition dans ma palette constituant une aquarelle disponible dans l’exposition. Le vert de la spiruline, le jaune du curcuma et surtout le rouge ! Il provient aussi de l’environnement proche autour de La Cuisine.
[:en][:]Sureau de l’île proche de la Cuisine, glané puis séché au sécheur solaire dans la cour.
[:en][:]Sécheur solaire.
[:en][:]Dans la culture occidentale, le rouge a été la première couleur maîtrisée, aussi bien en peinture qu’en teinture. Peu étonnant car les pigments sont faciles à retrouver : mûres, sureau, roses etc.
En glanant autour de la Cuisine, j'ai pu extraire de belles teintes, séchées au soleil.
Mon travail de recherche sur les pigments continue depuis, tout en établissant une éthique de travail : glaner de façon raisonnée, cultiver de façon respectueuse, penser de façon écosystémique et surtout documenter pour rendre libre. Il s’agit d’une pratique du choix et non de la nécessité, de la collaboration et non de l’extractivisme.
Nuanciers de limons de l’Aveyron, travail qui fait le lien avec le collectif Ellesaveyronnent dans le cadre du programme Réconciliation.
[:en][:]Car « nous avons raison d’espérer. Les forces de destruction semblent grandes mais contre elles nous avons le pouvoir de choisir, notre volonté humaine et notre imagination, notre courage, notre passion, notre impatience d’agir et d’aimer. Et nous ne sommes pas, en vérité, à distance de ce monde. Nous faisons partie du cercle.
Quand nous plantons, quand nous tissons, quand nous écrivons, quand nous enfantons, quand nous organisons, quand nous soignons, quand nous courons à travers le parc, dans la brume exhalée par les séquoias, quand nous faisons ce que nous avons peur de faire, nous ne sommes pas seules. Nous sommes du monde et les uns avec les autres, et notre pouvoir-du-dedans est grand, nous pouvons soigner ; si chacun de nous peut être détruit, en nous il y a le pouvoir du renouveau. Et il est encore temps de choisir ce pouvoir-là."
[:en][:]La cuisine, centre d'art et de design
Place du château, 82 800 Nègrepelisse
05 63 67 39 74
ACCÈS
→ Parking devant l’entrée | Gratuit
→ Bâtiment accessible handicapé