ETHERSECTION
Du 14.08 au 17.10.2021
PHILIPPE CHARLES
En collaboration avec LAETITIA BOURGET
Direction artistique Marta Jonville
En coopération artistique avec Vito Caula, Rebecca Acosta, Amélie Dechaume, Laura Pannier, Antonine Baron et Simon Searle
L’exposition est un écrin et une invocation des énergies qui renouvellent sans cesse le vivant : la rivière, la terre, le feu de la cuisson et les processus organiques, cycliques.
Philippe Charles et Laetitia Bourget ont conçu cette exposition ensemble, travaillant sur des pièces communes, articulant leurs savoir-faire, avec l’aide de l’équipe de La cuisine.
Nous sommes le 9 août, des escargots parcourent vaillamment les vitres de la salle d’exposition, y dépose la trace de leur passage. Du levain y est appliqué pour créer des vitraux monochromes qui adoucissent la lumière et saturent l’atmosphère en levure et bactéries.
Deux levains sont à disposition des visiteurs dans des récipients réalisés par Lætitia avec des argiles endémiques de leurs lieux d’ensemencement.
Des adobes sont au sol. Laetitia y grave des dessins, symboles invocateurs de l’énergie du feu de cuisson. Ces adobes forment une sole réfractaire de four à pain qui s’intitule « métamorphisme du cœur ».
Une plateforme est en cours de construction, elle nous offre un point de vue surélevé, permettant la contemplation de l’Aveyron qui s’écoule en contrebas du château, et surplombe l’espace d’exposition.
Au sol, des tracés fertiles se déploient dans l’espace comme un rhizome. Cette fresque mêle les tonalités d’argiles crues prélevées aux abords de l’Aveyron, dans son lit, sur ses rives, sur les causses d’Anglard, et dans la Brenne aux abords de la Creuse, la rivière près de laquelle vivent les artistes.
La fresque est formée de cercles d’argile tracés au sol, en échos aux cultures agissantes des blés, s’imbriquant les uns dans les autres. Les visiteurs traversant l’espace y laisseront leurs empreintes et effaceront progressivement les cercles à leur passage.
Marta Jonville
RÉSIDENCE DE TERRITOIRE
L’histoire d’une résidence de six mois qui a duré deux ans…
En résidence à La cuisine depuis décembre 2019, Philippe Charles a semé, fait pousser, récolté, un ensemble et une multitude, d’œuvres, d’actions, de gestes, de performances qui se sont fondus et disséminés durant deux années dans notre paysage quotidien.
Le pain
Philippe a commencé à faire du pain dans les fourneaux.
Les rencontres
Philippe échange avec des femmes Yézidies, réfugiées à Septfonds, sur leur pratique du pain comme aliment de base, une tradition ancestrale qui s’est adaptée aux échanges de denrées internationales. La culture du blé ancestral, l’engrain, et l’usage du levain sec qui permettait de préparer le pain s’étant perdu en chemin.
Les cercles
Il a tracé au sol des cercles concentriques autour du château qui devaient accueillir du blé, pour former ses cultures agissantes, avant que COVID n’effectue son travail. Ces cercles, nous dit-il, devrait apaiser les tensions du centre d’art, nous espérons fort qu’ils agissent !
Mars 2020 : Lock down, nous sommes confinés
L’herbe pousse, les cercles s’effacent.
Mai 2020, déconfinement
Philippe refait du pain, de la brioche, puis du pain noir charbonné.
Nous retraçons les cercles, Philippe sème ses blés. Les cultures agissantes sont en place, mais la pluie tarde à les faire germer et les oiseaux arrivent en masse pour se repaître des grains. Chaque matin, nous essayons de les chasser. Puis, nous fabriquons des épouvantails en aluminium. Les oiseaux s’en moquent, et les passants rient…
Le levain
La culture du levain endémique est initiée sur le Causse d’Anglars, surplombant l’Aveyron. Il bénéficie des soins attentifs d’Émilie Ramboz qui habite le Causse.
Ce levain vit à l’extérieur et l’eau utilisée pour sa confection est puisée dans une très ancienne citerne en pierre enterrée qui récolte sans aucune filtration les eaux de pluies d’un toit en terre cuite. Toutes les poussières, feuilles, pollens, bactéries et levures qui s’y déposent y sont précipités à chaque pluie.
Pour accentuer un peu plus cette concentration d’éléments disparates, une étamine suspendue à un fil capte les poussières transportées par le vent depuis le Causse et les gorges de l’Aveyron. Elle est ensuite plongée dans le seau de puisage et essorée pour en extraire toutes les particules.
C’est en suivant ce même protocole à chaque rafraichi que cette eau chargée en vie invisible est incorporée au levain avec une part de farine de blés anciens, et mélangée à la main. Des arômes de céréales sucrées, de roses et de framboises s’en dégagent.
Durant toute la durée de l’exposition, ce levain, ainsi que celui qu'il utilise depuis des années en Brenne, sera mis à disposition des visiteurs du centre qui pourront en emporter leur propre usage.
Les blés
Les blés rouges de printemps ont poussé, les épis sont bien remplis, les grains sont beaux. Leur nom vient de leur couleur une fois mures. La récolte est faite à la main.
Le four
Un four à pain pédagogique et transportable en brique de terre crue est conçu en dialogue avec Vito Caula, et Jérôme Tugayé, puis construit avec l’assistance d’Amélie Dechaume.
Les adobes sont réalisés et maçonnés par les stagiaires de la formation OPEC du GRETA d’Auch sous l’œil bienveillant de leur formateur.
Le four permettra aux enfants des écoles d’apprendre à cuire le pain au feu de bois. Les dimensions sont adaptées à leur taille.
Phase de recherche en collaboration avec Laëtitia Bourget sur la réalisation d’une fresque sur le sol de la galerie de la cuisine. Les pigments sont à base d’argiles prélever sur les bords de l’Aveyron.
Culture agissante #1, installation vibratoire de blés anciens implantés en aires circulaires.
Par la forme de l’ensemble et de ses parties, l’installation modifie le potentiel vibratoire du lieu en l’augmentant.
Les blés utilisés sont des blés de printemps qui n’ont pas besoin de vernalisation ( période froide ) pour leur fructification.
Le Red Fife encore cultivé au Canada dans la région du Saskatchewan est un blé ancestral et n’a pas subi de modification génétique autres que celles qui s’opèrent dans les champs par hybridation naturelle. Il serait originaire d’Ukraine.
Son descendant le Marquis est un croisement réalisé par Charles Saunders en 1890 entre le Red Fife et le Hard Red Calcutta. Il est légèrement plus précoce et plus petit que son ancêtre.
Construction de four à pain pédagogique et transportable en brique de terre crue.
Les adobes ont été réalisés et maçonnés par les stagiaires de la formation OPEC du GRETA d’Auch sous l’œil bienveillant de leur formateur Jerôme Tugayé.
L’exposition Ethersection de Philippe Charles à La cuisine centre d’art et de design à Nègrepelisse est la résultante de résidences de territoire et de création lancées en 2019. Avec Lætitia Bourget, ils étendent leur collaboration à un ensemble d’agents et de forces dont l’énumération trahirait la subtile articulation qui raconte l’importance des altérités.
Ethersection est une installation qui laisse place aux éléments fondamentaux. Élaborée dans les temps justes de la nécessité, de la contingence et du dépôt, l’installation invite à coopérer, à recevoir, à percevoir et à prendre soin. Elle est constituée d’objets, de processus et de mouvements en circulation de soi à l’autre, à l’entour.
Les chants de la terre est un dispositif qui a été activé le 14 août 2021. Lors de cette expérience sensorielle et cognitive collective, il y a eu la cuisson du pain, la dégustation de préparations actives et salvatrices ainsi que l’immersion dans la sonorisation continue de Jean-Yves Evrard.
Cet hiver, Philippe est venu évaluer la meilleure terre pour ses blés. Son critère n’était pas celui de la qualité du sol mais le souci de l’emplacement. Il s’est demandé comment intensifier la distribution des vibrations à cet endroit là, entre les eaux de la rivière de l’Aveyron et le bâtiment anciennement château, puis place publique, désormais centre d’art et de design au sommet de sa bute empruntée de promenades. Il a tracé six disques sur l’herbe humide et boueuse, pour implanter ses cultures agissantes.
Parfois les contours au sol signalent une disparition, ici ils étaient annonciateurs de devenir. Parce que l’artiste est paysan-boulanger, son programme de résidence a mêlé la sémiotique du sensible avec la pratique paysanne, la quête de l’essentiel et le goût du pain.
La fois suivante, Philippe est revenu avec des grains de blés anciens Red Fife et Marquis. Il a semé ces grains au sein des disques et son geste, approvisionnant sa vision, a prolongé ses intentions de valorisation et d’égard envers le sol nourricier. Ce faisant, il a participé au projet amorcé par le centre d’art d’implanter des histoires fertiles sur la bute communale sinon entretenue tondue. En cette fin d’hiver nombre d’oiseaux ont convergé vers ces îlots de grains tendres qui contrairement à ceux alentours n’étaient pas défendus par des effaroucheurs. Sans doute que l’animation a également intéressé les rampants et habitants du sol, si bien que le volume semé s’est dispersé au fond des terriers d’ici et d’ailleurs. Son geste semant s’est inscrit dans le cycle saisonnier, il s’est préparé à l’attente de la pousse, soit du développement du grain au germe, au plant feuillé, à l’épi.
Pendant ce temps, Philippe s’est adjoint les compétences de Jérôme Tugayé, spécialiste de la terre crue, formateur, et de sa classe apprenante, pour construire un four à pain portatif. Cet élément est indispensable pour la cuisson de la pâte et par lui, la flamme convoquée doit être domestiquée. Un foyer, dont le fonctionnement l’emporte généralement sur l’appréciation esthétique de son intérieur. Or, cet endroit de l’intimité du four concerne l’artiste paysan-boulanger.
Plus tard, dans la salle d’exposition ils installeront, Lætitia et lui, une sole en briques de terre crue gravée d’un reptile qui couve un cœur enflammé, nommée métamorphisme du cœur. Sur le sol, ces briques correspondent à la cohérence des choses en présence.
Au sol encore, d’autres cercles sont tracés fertiles, ils sont faits de limons. Ces pigments sont le fruit d’un processus qui a commencé l’été dernier par l’emprunt de roches devenues grains sur les rives de l’Aveyron. L’expérimentation s’est poursuivie dans la rivière de la Creuse, en plusieurs endroits de son lit par poignées transplantées ici. Les ondes se croisent et se chevauchent, elles donnent voix à la minéralité fertile.
En écho vibratoire, une phrase inscrite qui invoque la source qui nous traverse, une autre qui évoque ce qui se dépose en nous. Deux formules équivoques adressées aux visiteurs ou prononcées par les présents, qui rappellent l’étant commun de matières traversées pétries de fluides, à leur tour profondeurs.
Sous l’une des inscriptions, des creux d’argile, façonnés par Laetitia, sont disposés sur une table. Ils servent à contenir les deux levains de Philippe mis à la disposition des visiteurs qui pourront les cultiver à leur tour.
À la veille de l'inauguration, d’autres êtres ont pris part à la conception de l’installation. Sur la surface verticale vitrée de l’espace d’exposition, un cortège d’escargots a cheminé en trajectoires indécises et visqueuses. Plus tard, un levain a été appliqué sur les vitres, opérant ainsi la double articulation de révéler le mucus gastéropodien et de voiler la lumière extérieure, pour créer une lumière lente. L’espace d’exposition a ainsi été transformé en un écrin nervuré de rubans de ciel. Seule une fenêtre a été réservée, un écran d’ouverture qui cadre en profondeur.
Au chaud de l’été, un promontoire intérieur a été construit pour multiplier les possibilités d’observations et célébrer la coexistence de cette entité vive, massive et multiple qu’est la rivière de l’Aveyron, dont les berges sont en contre bas du centre d’art, mais dont les cimes, l’humide et les oiseaux se disputent la hauteur.
La scène étant donnée à l’horizon, le jour de l’ouverture Jean-Yves Evrard a sonorisé cet espace par la vibration continue de sa guitare. Il a amplifié la conscience d’être en présence, d’être au monde, d’être là. À l’extrémité de la pièce, un mur lui faisant face était le support d’une fresque collaborative invitant chacun à y représenter sa flamme intérieure pour alimenter le grand feu. Cette fresque a été commencée ce jour et attise depuis les expressions personnelles. Ce mur, comme la fresque au sol dont les frottements piétons altèrent sa réalité précaire, suggèrent l’ambivalence d’être à la fois ressource et agent de transformation.
Concourant à l’intention d’apports génératifs, Laetitia s’est employée à la préparation de collations vivantes, actives, issues de cueillettes au fil du développement végétal, et de récipients pour les contenir, façonnés dans les argiles locales. Des boissons pétillantes, lacto-fermentées, infusées, des macérations, des sels, ont pu être dégustés en association aux pains et brioches, de Philippe, accompagnés des fumigations, animés de bouquets de fleurs, de baies, de racines. Le jour de l’ouverture, le public devenu convive, a participé à une série d’expériences corporelles, olfactives et gustatives qui ont stimulé les profondeurs organiques et cognitives.
De cette œuvre, nous pouvons faire la lecture d’une démarche faite de rencontres, de transports et de tentatives. Nous pourrions y voir la revendication par l’application de la fusion de domaines d’activités, qui, par leurs contacts et échanges permanents, ne se distinguent plus dans des catégories. Cela est valable pour la vie de Philippe Charles et maintenu dans le contexte de résidences dans un centre d’art, tenu, de la mise en œuvre jusqu’à son ouverture. Nous pouvons apprendre d’une création comme état de disponibilité, de réception et de réactivité à ce qui se manifeste dans la reconnaissance, par l’habitude et par l’apprentissage. Nous sommes invités à déchiffrer ce qui est plus ou moins à portée et parfois il faudra plonger dans le milieu, parfois il faudra plonger dans l’intime.
L’indice d’une démarche holistique serait manifeste si l’on demandait à Philippe de faire le récit de chacune des relations invitées au sein de l’exposition. Nous aurions sans doute un récit par lequel les règnes du vivant animé et inanimé auraient tous un.e représentant.e convoqué.e. Les anecdotes, aux temps et modalités de relations multiples, concerneraient les levures et bactéries, les grains, les argiles, les gastéropodes, les plantes, les arbres, les champignons, les chiens, les rivières. À l’évidence des relations de collaboration avec d’autres humain.e.s pour la fabrication du four, pour la semence et la récolte des blés, pour la construction du promontoire, pour le soin du levain et pour les dégustations. Il y aurait également dans ce récit les anecdotes d’emprunt, de prélèvement, de négociations pour permettre le transport à travers les distances et les climats, avec l’inquiétude que certains auxiliaires ne résistent pas à ces conditions imprévues. Des histoires de suivis et de veille des processus enclenchés.
De cette oeuvre, nous pouvons faire la lecture d’une intervention contextuelle aux égards multiples, une intervention dans le sens de la réparation. Une opération de mise ensemble et en vitalité des corps et des énergies avec l’impératif qu’iels soient substantiellement plein.ne.s, chargé.e.s ou le cas échéant à remplir. Une articulation organique et énergétique, également formelle et symbolique si nécessaire. Un plan perceptif complexifié, déployé et multiplié par les êtres convoqués, dont le résultat échappe à la formule initiale, dont le résultat ne prétendra pas à la vérité, mais à l’initiation.
" Les chants de la terre " Préparations culinaires pour les dégustations.
Différentes saveurs préparées par Laetitia, issues de ses récoltes de plantes sauvages, associées aux pains et aux brioches de Philippe, à découvrir lors de cette dégustation, sous la conduite de Rebecca.
Sels, huiles, et vinaigres aromatiques, boissons fermentées, infusions froides, gelées d’herbes, lactofermentations, fromage frais d’herbes sauvages, légumes braisés, disposés dans des récipients façonnés avec les argiles rustiques endémiques utilisées pour la fresque tracés fertiles.
Les creux, argile crue du lit de la Creuse enduite de cire d’abeille pour accueillir les préparations culinaires des chants de la terre, dégustation le 14 août, en collaboration avec Philippe Charles, à La cuisine, Nègrepelisse.
Différentes saveurs préparées par Laetitia, issues de ses récoltes de plantes sauvages, associées aux pains et aux brioches de Philippe, à découvrir lors de cette dégustation, sous la conduite de Rebecca.
Sels, huiles, et vinaigres aromatiques, boissons fermentées, infusions froides, gelées d’herbes, lactofermentations, fromage frais d’herbes sauvages, légumes braisés, disposés dans des récipients façonnés avec les argiles rustiques endémiques utilisées pour la fresque tracés fertiles.
Les creux, argile crue du lit de la Creuse enduite de cire d’abeille pour accueillir les préparations culinaires des chants de la terre, dégustation le 14 août, en collaboration avec Philippe Charles, à La cuisine, Nègrepelisse.
Expérimentation des saveurs
> pétillant fleurs de sureau-citron, et fleurs de sureau-cassis
> pétillant feuilles de figuier-citron
> infusion froide menthe et ortie
> gelée d’herbes menthe poivrée - orties, sauge officinale - feuilles de cassis, mélisse - fenouil - armoise commune
> vinaigre de rose, vinaigre panais sauvage - bardane - brunelle - armoise, et vinaigre fleurs de reine des prés - mélisse - racine de benoite
> huile aromatiques de fleurs d’achilée millefeuille, et d’hysope
> sels aromatiques de fruits verts de macéron, de livèche, et de panais sauvage
> lactofermentations de pousses de bambous, de fruits de la mauve musquée, de boutons floraux d’ail des ours, de pâquerettes
> Kimchi de pulpe de betterave et spiruline (dans le prolongement de la performance noir nourricier)
> purée d’ail nouveau lactofermentée aux fours d’estragon du Mexique, et au basilic
> Légumes crus et cuits du potager (aubergines, courgettes, tomates et poivrons, concombres, betteraves)
> fumigations de tresses d’armoise - lavande - sauge - hélichryse italienne - menthe
La cuisine, centre d'art et de design
Place du château, 82 800 Nègrepelisse
05 63 67 39 74
ACCÈS
→ Parking devant l’entrée | Gratuit
→ Bâtiment accessible handicapé